Le Jeudi 20 Septembre 2007 par Lupin
C'est la première cible des supporters qui contestent systématiquement ses choix (parce que évidemment, si il avait mis machin à la place de truc on aurait gagné c'est certain ...). C'est le premier fusible qui saute en cas de problème, ce qui permet de satisfaire la rancune des fans et de jeter un voile sur les responsabilités des dirigeants. Il n'est presque jamais une star, responsable des défaites mais pas des victoires parce que les victoires elles viennent du talent des joueurs et surtout du public qui est toujours magnifique, fait gagner des matchs mais n'a aucune responsabilité dans les défaites ... Il constate, impuissant, que ses avis ne sont jamais écoutés alors qu'il est sans doute le mieux placé pour les donner : on l'écoute à peine quand il s'agit de recruter mais on le vire aussitôt si il n'obtient pas de bons résultats avec les joueurs qu'il n'a pas choisi. Oui, c'est vraiment un boulot sympa entraîneur d'une équipe de foot.
C'est aussi un métier où on est curieusement récompensé de son travail, "remercié" serait le mot juste. Vous pouvez être viré après avoir été ... champion d'Espagne. Cette mésaventure est arrivée au grand Fabio Capello : alors que le Real Madrid ressemblait à un chantier depuis des années et traînait sa peine, il en a fait un champion d'Espagne dès sa première année. Oui mais ce n'était pas suffisant, le jeu n'était pas assez spectaculaire donc ... adios.
Un statut de star et un palmarès aussi épais que Sébastien Chabal ne suffisent donc pas à se protéger. Chelsea n'avait plus gagné le championnat depuis ... 1955. Dès son arrivée José Mourinho a été deux fois champion et a donné six titres en trois ans au club londonien. Le tout dans un contexte de défiance permanente avec une partie des dirigeants qui lui ont imposé un recrutement digne de l'époque galactique du Real (accumulation de stars sans soucis de leur complémentarité ou de l'avis de l'entraîneur) avec Shevchenko, caprice du président Abramovitch, et Ballack, qui joue au même poste que Lampard. Bizarrement la machine Chelsea connaît des ratés à partir de ce moment là, Mourinho s'accroche pendant une saison mais ne résiste pas à une récente série de résultats mitigés et doit quitter (à l'insu de son plein gré ?) Chelsea.
Si les stars de la profession sont traitées avec autant d'égards on imagine quelles sont les conditions de travail de ceux qui ont moins d'influence, en particulier en France où la vraie star est le président et l'entraîneur un fusible, accessoirement punching ball et travaillant en permanence en sursis. Il doit aussi composer avec un personnage particulier, le directeur sportif, aussi nommé manager sportif, manager général, conseiller du président ... Le profil du personnage ? Souvent un ancien joueur qui a échoué dans un rôle d'entraîneur (Anigo, Lacombe) mais qui bénéficie d'une influence aussi mystérieuse qu'étendue. Il joue un rôle primordial dans la période des transferts, souvent aux dépends d'un entraîneur qu'il n'hésitera pas à critiquer, parfois publiquement, dans les moments difficiles.
Mais le métier d'entraîneur en France était sans doute trop simple et la ligue, par l'intermédiaire des présidents de club, a pris une décision stupéfiante : afin de satisfaire les télévisions, elle a obligé les clubs a jouer dans certains cas deux matchs en 48 heures. Les avertissements sur les risques de blessure, la préservation de la santé des joueurs et les risques de dopage n'ont pas pesé lourds à l'époque ... et aujourd'hui les entraîneurs doivent se débrouiller, entre fatalisme et colère. Élie Baup, dont l'équipe est la première concernée, est monté au créneau cette semaine mais que pèsent les remarques d'un technicien face aux certitudes des présidents ?
Mais alors dans ces conditions, loin d'être idylliques, qu'est ce qui peut pousser des gens à choisir cette carrière, en dehors d'un pourcentage de masochistes ? La réponse la plus évidente c'est la passion, et Jean Fernandez illustre à merveille cette motivation. Il n'a peut-être pas le bagout d'un Rolland Courbis mais n'a jamais eu affaire à la justice. Il n'a peut-être pas le charisme de Mourinho mais travaille avec acharnement, application et humilité. Il n'a peut-être pas le palmarès de Capello mais a presque toujours donné satisfaction là où il est passé : à Cannes il forme une génération de joueurs surdoués, emmenée par un certain Zinédine Zidane qu'il est le premier à titulariser. En Arabie Saoudite et en Tunisie il est champion, à Sochaux il remonte le club en ligue 1 et à Metz il fait des miracles pour le maintenir malgré un budget et un effectif « épais comme un sandwich SNCF » et comme par hasard, le club descend dès qu'il le quitte.
En 2005 il arrive à Marseille, recrute Niang et Ribéry et met en place après quelques tâtonnements le 4-3-3 made in Marseille qui donne au printemps du spectacle et de bons résultats : l'OM va en finale de la Coupe (la vraie pas celle en carton de Thiriez) en éliminant Lyon à Gerland et finit le championnat en boulet de canon, échouant à deux points de la ligue des champions (ah le penalty manqué de Ribéry à Bordeaux lors de la dernière journée ...).
Pour de mystérieuse raisons (ingérence d'Anigo ?) il quitte le club et va à Auxerre. Après des débuts difficiles (il faut digérer les départs de piliers comme Lachuer, Violeau ou Luyindula) il stabilise l'équipe qui finit très bien le championnat, dans le premier tiers du classement. A l'intersaison Auxerre est pillée et voit partir Kaboul, Sagna, Cheyrou, Mathis, Akalé, sans compter la retraite de son gardien Cool. Logiquement le début de saison est très difficile et les critiques pleuvent sur Fernandez, accusé notamment ... de ne pas se manifester assez pendant les matchs ! Sauf que si la compétence était proportionnelle au nombre de singeries Luis Fernandez ferait autre chose que de la radio et Guy Lacombe serait adulé à Paris ... Mais sans s'affoler il bosse, tente d'installer une défense à 3 pour gagner en solidité et gagne la semaine dernière de façon convaincante contre NIce.
Samedi il va affronter son successeur, lui aussi très critiqué : Albert Emon. Certaines critiques sont justifiées (Niang n'a rien à faire à droite et titulariser Arrache c'est une mauvaise blague, comme mettre Moussilou ailier gauche à Paris ...) mais la virulence et l'acharnement de certains laissent pantois : sur tous les sites et dans tous les journaux le sport national est de lui taper dessus sous n'importe quel prétexte, sans compter la multiplication de sondages tous plus originaux les uns que les autres « Emon la fin ? » « Combien de temps tiendra Emon ? » « Faut-il virer Emon ? » ... Certains supporters ne sont pas en reste, parlant "d'un mafieux à dégager" et les quelques critiques constructives sont souvent noyées par un flot d'avis définitifs faisant d'Emon un imbécile, seul responsable des mauvais résultats marseillais.
Oui c'est vraiment un drôle de métier ...
C'est aussi un métier où on est curieusement récompensé de son travail, "remercié" serait le mot juste. Vous pouvez être viré après avoir été ... champion d'Espagne. Cette mésaventure est arrivée au grand Fabio Capello : alors que le Real Madrid ressemblait à un chantier depuis des années et traînait sa peine, il en a fait un champion d'Espagne dès sa première année. Oui mais ce n'était pas suffisant, le jeu n'était pas assez spectaculaire donc ... adios.
Un statut de star et un palmarès aussi épais que Sébastien Chabal ne suffisent donc pas à se protéger. Chelsea n'avait plus gagné le championnat depuis ... 1955. Dès son arrivée José Mourinho a été deux fois champion et a donné six titres en trois ans au club londonien. Le tout dans un contexte de défiance permanente avec une partie des dirigeants qui lui ont imposé un recrutement digne de l'époque galactique du Real (accumulation de stars sans soucis de leur complémentarité ou de l'avis de l'entraîneur) avec Shevchenko, caprice du président Abramovitch, et Ballack, qui joue au même poste que Lampard. Bizarrement la machine Chelsea connaît des ratés à partir de ce moment là, Mourinho s'accroche pendant une saison mais ne résiste pas à une récente série de résultats mitigés et doit quitter (à l'insu de son plein gré ?) Chelsea.
Si les stars de la profession sont traitées avec autant d'égards on imagine quelles sont les conditions de travail de ceux qui ont moins d'influence, en particulier en France où la vraie star est le président et l'entraîneur un fusible, accessoirement punching ball et travaillant en permanence en sursis. Il doit aussi composer avec un personnage particulier, le directeur sportif, aussi nommé manager sportif, manager général, conseiller du président ... Le profil du personnage ? Souvent un ancien joueur qui a échoué dans un rôle d'entraîneur (Anigo, Lacombe) mais qui bénéficie d'une influence aussi mystérieuse qu'étendue. Il joue un rôle primordial dans la période des transferts, souvent aux dépends d'un entraîneur qu'il n'hésitera pas à critiquer, parfois publiquement, dans les moments difficiles.
Mais le métier d'entraîneur en France était sans doute trop simple et la ligue, par l'intermédiaire des présidents de club, a pris une décision stupéfiante : afin de satisfaire les télévisions, elle a obligé les clubs a jouer dans certains cas deux matchs en 48 heures. Les avertissements sur les risques de blessure, la préservation de la santé des joueurs et les risques de dopage n'ont pas pesé lourds à l'époque ... et aujourd'hui les entraîneurs doivent se débrouiller, entre fatalisme et colère. Élie Baup, dont l'équipe est la première concernée, est monté au créneau cette semaine mais que pèsent les remarques d'un technicien face aux certitudes des présidents ?
Mais alors dans ces conditions, loin d'être idylliques, qu'est ce qui peut pousser des gens à choisir cette carrière, en dehors d'un pourcentage de masochistes ? La réponse la plus évidente c'est la passion, et Jean Fernandez illustre à merveille cette motivation. Il n'a peut-être pas le bagout d'un Rolland Courbis mais n'a jamais eu affaire à la justice. Il n'a peut-être pas le charisme de Mourinho mais travaille avec acharnement, application et humilité. Il n'a peut-être pas le palmarès de Capello mais a presque toujours donné satisfaction là où il est passé : à Cannes il forme une génération de joueurs surdoués, emmenée par un certain Zinédine Zidane qu'il est le premier à titulariser. En Arabie Saoudite et en Tunisie il est champion, à Sochaux il remonte le club en ligue 1 et à Metz il fait des miracles pour le maintenir malgré un budget et un effectif « épais comme un sandwich SNCF » et comme par hasard, le club descend dès qu'il le quitte.
En 2005 il arrive à Marseille, recrute Niang et Ribéry et met en place après quelques tâtonnements le 4-3-3 made in Marseille qui donne au printemps du spectacle et de bons résultats : l'OM va en finale de la Coupe (la vraie pas celle en carton de Thiriez) en éliminant Lyon à Gerland et finit le championnat en boulet de canon, échouant à deux points de la ligue des champions (ah le penalty manqué de Ribéry à Bordeaux lors de la dernière journée ...).
Pour de mystérieuse raisons (ingérence d'Anigo ?) il quitte le club et va à Auxerre. Après des débuts difficiles (il faut digérer les départs de piliers comme Lachuer, Violeau ou Luyindula) il stabilise l'équipe qui finit très bien le championnat, dans le premier tiers du classement. A l'intersaison Auxerre est pillée et voit partir Kaboul, Sagna, Cheyrou, Mathis, Akalé, sans compter la retraite de son gardien Cool. Logiquement le début de saison est très difficile et les critiques pleuvent sur Fernandez, accusé notamment ... de ne pas se manifester assez pendant les matchs ! Sauf que si la compétence était proportionnelle au nombre de singeries Luis Fernandez ferait autre chose que de la radio et Guy Lacombe serait adulé à Paris ... Mais sans s'affoler il bosse, tente d'installer une défense à 3 pour gagner en solidité et gagne la semaine dernière de façon convaincante contre NIce.
Samedi il va affronter son successeur, lui aussi très critiqué : Albert Emon. Certaines critiques sont justifiées (Niang n'a rien à faire à droite et titulariser Arrache c'est une mauvaise blague, comme mettre Moussilou ailier gauche à Paris ...) mais la virulence et l'acharnement de certains laissent pantois : sur tous les sites et dans tous les journaux le sport national est de lui taper dessus sous n'importe quel prétexte, sans compter la multiplication de sondages tous plus originaux les uns que les autres « Emon la fin ? » « Combien de temps tiendra Emon ? » « Faut-il virer Emon ? » ... Certains supporters ne sont pas en reste, parlant "d'un mafieux à dégager" et les quelques critiques constructives sont souvent noyées par un flot d'avis définitifs faisant d'Emon un imbécile, seul responsable des mauvais résultats marseillais.
Oui c'est vraiment un drôle de métier ...